fonte articolo Yasuní ITT: la tristesse doit laisser place à la détermination et à la lutte!!
testo originale:
J´écris cet article, le cœur serré de tristesse, après que le président équatorien Rafael Correa ait annoncé aujourd´hui, à 20h précises, la fin de l´Initiative Yasuní ITT. Je n´étais visiblement pas le seul : tous les ministres du pays étaient là devant lui alors qu´il s´adressait au pays. Toutes et tous avaient ce visage que l´on a lors de ces moments durs où notre devoir nous oblige à faire ce que l´on ne souhaiterait pas. Le président avait sans doute le visage le plus ferme, celui d´un homme qui sait que ses paroles resteront dans l´histoire, une histoire qu´il aurait voulu vivre autrement… J´ai rarement vécu des moments aussi bouleversants depuis que j´ai commencé mon combat politique…
On ne peut pas s´étonner: plus de 6 ans de combat, de lutte pour que « l´ITT » devienne une réalité, et au final nous n´avons eu quasiment aucune réponse de la part des gouvernements du monde auxquels nous proposions de changer ce cap, de ne plus continuer ce modèle de société qui mène à la destruction folle de notre écosystème.
Je tiens à écrire maintenant, tout de suite, à chaud pour ne pas laisser la place aux manipulations politiciennes contre le gouvernement de la Révolution Citoyenne… Je les vois venir, elles vont essayer d´occulter ce que cela signifie politiquement et encore une fois tenter de nous faire regarder ailleurs, là où l´on ne trouvera pas les vraies responsabilités dans cette affaire.
On ne doit pas oublier ce jour : ce 15 août 2013 le monde auquel nous aspirons, le monde pour lequel nous luttons, le monde post-pétrolier, le monde de la convergence des intérêts sociaux et écologiques, le monde des alternatives au dérèglement climatique, le monde que symbolisait l´Initiative Yasuní ITT… vient d´être rappelé à l´ordre par le monde réel, celui du mépris des puissants pour notre planète, celui qui mène l´humanité vers une catastrophe colossale… et qui a dit non a Yasuni.
L´Initiative Yasuni était ce projet proposé au monde entier par le gouvernement équatorien pour faire face au dérèglement climatique, mais beaucoup plus largement pour montrer que l´on peut construire un monde post-pétrolier, un monde débarrassé de son cancer extractiviste et productiviste. Le pays proposait de laisser sous terre le pétrole qui se trouve sous le parc national Yasuni, un des endroits avec la plus grande biodiversité au monde. En échange de cet effort, qui signifiait la non exploitation de 20% des réserves de pétrole du pays, l´Équateur proposait aux pays du monde entier et à ses citoyens de compenser la moitié de cette perte économique, à savoir 3600 millions de dollars. L´Équateur contribuerait à cet effort en sacrifiant l´autre moitié.
Un fond international avait été mis en place par l´ONU, qui garantissait que les fonds récoltés bénéficieraient aux populations les plus démunies de la forêt amazonienne et alimenteraient le changement de la matrice énergétique du pays. Mais cela n´a pas suffi.
Après 6 ans d´un intense travail pour faire connaître cette Initiative partout dans le monde, après l´avoir présentée à l´ONU, aux sommets mondiaux sur le changement climatique, après avoir mené une immense campagne auprès de la société civile en s´appuyant sur toutes les organisations sociales et politiques qui se reconnaissaient dans le projet (le Parti de Gauche fut l´un des soutiens les plus actifs en France), l’Equateur n’a reçu que 3% des fonds (9% si on compte les promesses).
Il est devenu clair que les gouvernements ne répondraient pas à l´appel et, dans ces conditions, l´Equateur ne pouvait pas sacrifier cet apport financier essentiel pour lutter contre la misère dans le pays. Le Président a donc pris une décision difficile, qui nous fait très mal mais qui nous rappelle finalement quel était le combat derrière Yasuni.
Soyons clairs, le fond politique de l´initiative n´était pas de sauver le parc naturel Yasuni de la contamination potentielle liée à l´extraction du pétrole. On entendra bientôt toutes ces voix scandalisées par la catastrophe écologique, sans parler bien sûr du fond politique. Mais comme l´a rappelé le président, moins d´1% du parc se verra affecté par l´exploitation pétrolière. Ceci a été rédigé dans le décret présidentiel qui a été signé aujourd´hui et le président s´est engagé personnellement à faire respecter ce point.
Le vrai objectif politique de Yasuni était de créer un outil qui permette une reconnaissance réelle du principe de responsabilité commune mais différenciée face au changement climatique proclamé par l´ONU. Mais plus largement, avec le mot d´ordre de « laissons le pétrole sous terre ! », l´initiative remettait en question le moteur même du capitalisme, le productivisme aveugle qui est en train de détruire notre écosystème. Mais tout ceci n´est pas mort avec Yasuni.
Pourquoi est-il essentiel de parler de responsabilité commune ?
Car l´écosystème qui permet la vie de l´homme sur Terre est un écosystème mondial et les solutions données au dérèglement actuel ne peuvent être pensés qu´à une échelle planétaire. Ceci est la responsabilité de chaque pays.
Ensuite, pourquoi parle-t-on de responsabilité différenciée ?
Car les pays du Nord ont une dette écologique et sociale historique vis-à-vis des pays du Sud. Depuis des siècles ces premiers s´enrichissent – ou plutôt les oligarchies du Nord, aujourd´hui les grandes multinationales – en exploitant les ressources des pays du Sud, les laissant dans la misère et avec des dégâts écologiques colossaux (à cet effet je vous recommande l´excellent article de Céline Meneses à propos du cas Chevron-Texaco en Equateur).
Pour ce qui est de cette responsabilité commune mais différenciée, je vous invite à regarder la carte des émissions de CO2 par pays, elle est très parlante lorsqu´on la compare aux cartes du PIB par pays et d´indice de développement humain:
Si ce principe de juste reconnaissance de la responsabilité des pays les plus pollueurs historiquement n´est pas reconnu et traduit en actes, nous savons comment ça va se finir : les pays pauvres qui ne produisent même pas les richesses suffisantes pour lutter contre leur misère, et qui sont les moins pollueurs, seront les premiers touchés par les effets du changement climatique produisant d´énormes dégâts sociaux et une véritable crise humanitaire.
Mais maintenant que faire ? L´échec de l´Initiative Yasuni ITT nous oblige à prendre conscience du défi que nous avons devant nous, nous voyons à la lumière du jour l´état de la corrélation de forces actuelle au niveau mondial et la vitesse à laquelle la crise écologique s´accélère.
Le changement climatique n´est pas une éventualité pour un futur plus ou moins lointain. Aujourd´hui même nous regardons les effets dévastateurs du modèle de société dominant sur les populations les plus pauvres de la planète. Un des exemples les plus cruels est la situation du Bangladesh. Les deux tiers de ses terres culminent à moins de 5 m au-dessus du niveau de la mer. Le pays dénombre 60 % des victimes de cyclones dans le monde ces vingt dernières années. Lors des périodes de crue (6 mois par an), plus du tiers du pays se retrouve sous l´eau. Le pays compte plus de 160 millions d´habitants et sans attendre un avenir apocalyptique lointain, aujourd´hui même, le modèle productiviste du capitalisme est en train de créer une catastrophe humanitaire. Ceci a lieu sans qu´aucun sommet climatique puisse aboutir à un semblant d´engagement qui nous laisse entrevoir une issue.
Nous devons prendre conscience aujourd´hui plus que jamais que Yasuni a ouvert la voie à un débat, a montré que des alternatives concrètes existent, mais son échec nous a appris une leçon essentielle ça ne peut pas être l´Equateur à lui tout seul de changer la donne sans qu´on s´y mêle, non pas en solidarité mais directement contre les logiques à l´oeuvre chez nous. Nous dévons reprendre la critique de Yasuni à notre compte partout !!
En Europe nous devons bloquer le gaz de schiste, en Amérique Latine et en Afrique nous devons bloquer l´avancée de la frontière pétrolière. Tel est notre tâche dans ce moment historique. Nous ne devons pas oublier que ces mêmes ressources sont l´objet principal des conflits armés impérialistes, nous l´avons vu en Irak, en Lybie et ce sera le cas pour la dispute du pétrole qui se trouve en Arctique.Aujourd´hui l´OTAN assume sa mission de force militaire en vue des futurs conflits liés aux ressources naturelles (nous nous en rappelons encore du discours de Sarkozy en ce sens lors de l´entrée de la France au commandement intégré de l´Otan). Le combat pour la sortie du productivisme est donc également un combat essentiel pour la paix.
La gauche doit prendre appui sur cet échec, l´analyser en tant que tel: ce n´est pas le renoncement d´un président mais notre incapacité à créer le rapport de forces qui puisse rendre réelle une telle initiative. Ce sont les pays les plus riches qui disposent des moyens et des technologies pour entamer une transition écologique. L´Equateur a contribué à ouvrir la voie idéologique mais la voie de la transition écologique réelle doit être gagnée essentiellement dans les pays du Nord.
C´est à notre tour de rebondir, de prendre le relais et de construire le rapport de forces populaire dont nous avons besoin pour donner un écho à l´impératif de l´urgence climatique et la justice sociale!